La Bretagne aux Origines : Des Pierres Néolithiques à la Naissance de l'Autonomie
- Kevin Cado
- Apr 28
- 5 min read
I. Origines : Entre Pierres Néolithiques et Héritage Celtique
Bien avant que la Bretagne ne porte son nom, ses paysages étaient déjà façonnés par la main de l’homme. Mais ces premières traces n’appartiennent pas aux Celtes. Elles proviennent des civilisations néolithiques, établies entre 4500 et 2000 av. J.-C., dont les intentions restent en partie mystérieuses. Si vous vous rendez au Cairn de Barnenez, à Plouézoc’h, vous découvrirez l’un des plus anciens monuments mégalithiques d’Europe. Plus au sud, à Carnac, des milliers de pierres dressées s’élèvent encore, alignées avec une précision qui défie le temps. Ces pierres ne sont pas celtiques. Elles sont l’héritage d’une époque bien antérieure, lorsque les communautés néolithiques marquaient la terre de monuments funéraires et rituels dont le sens exact nous échappe toujours.

L’influence celtique commence à s’installer dès le VIIIe siècle av. J.-C., progressivement jusqu’au Ve siècle, portée par les cultures de Hallstatt et de La Tène. Ces peuples celtes apportent leur langue, leur art et leurs croyances, faisant de l’Armorique un territoire où ces traditions s’enracinent profondément.
Mais l’histoire celtique de la Bretagne ne s’arrête pas là. Au Ve siècle de notre ère, une nouvelle vague de migrations transforme la région. Des Bretons insulaires, fuyant les invasions anglo-saxonnes en Grande-Bretagne, traversent la Manche pour s’établir en Armorique. Ils réintroduisent une langue brittonique (ancêtre du breton moderne) et des traditions façonnées par le christianisme celtique.
C’est ce double héritage — des Celtes continentaux et des Bretons insulaires — qui donne à la Bretagne son caractère unique. Une terre où noms de lieux, langue et rites portent les marques de ces influences entremêlées. Le nom de « Bretagne » ne s’impose pas immédiatement. Pendant plusieurs générations, l’Armorique reste un espace de transition culturelle et religieuse. Ce sont ces moines venus de Grande-Bretagne, figures centrales du christianisme celtique, qui posent les bases d'une identité bretonne mêlant foi, culture et territoire. Les monastères deviennent des foyers spirituels autant que des centres d’organisation sociale, diffusant une influence durable au fil des siècles.
Encore aujourd’hui, en parcourant la Basse-Bretagne, on entend les échos de cette histoire. Dans la langue bretonne, les pardons traditionnels et les récits légendaires, le passé celtique et chrétien habite toujours ces terres.
II. La Bretagne et Rome : Une Romanisation Incomplète
Lorsque Jules César achève la conquête de la Gaule au Ier siècle av. J.-C., l’Armorique — l’actuelle Bretagne — entre officiellement dans l’Empire romain. Mais cette intégration reste partielle et inégale. Là où d'autres régions adoptent rapidement la langue, les institutions et le mode de vie romains, la péninsule armoricaine conserve un fort sentiment de singularité.
Lorsque Jules César achève la conquête de la Gaule au Ier siècle av. J.-C., l’Armorique — l’actuelle Bretagne — entre officiellement dans l’Empire romain. Mais cette intégration reste partielle et inégale. Là où d'autres régions adoptent rapidement la langue, les institutions et le mode de vie romains, la péninsule armoricaine conserve un fort sentiment de singularité.
Si vous visitez aujourd’hui les vestiges de Vorgium, vous y verrez des traces de cette romanisation : réseaux d’eau, mosaïques, restes de villas. Mais au-delà de ces centres urbains, la réalité est tout autre. Dans les campagnes armoricaines, la culture celtique perdure — discrète mais résistante. Langues locales, croyances et structures sociales échappent à l’uniformisation romaine.

Imaginer une Bretagne « libre » de Rome serait simpliste, mais croire à une assimilation totale serait tout aussi faux. L’Armorique vit dans un compromis : des élites collaborent, les villes prospèrent sous influence romaine, mais l’arrière-pays s’accroche à ses traditions. Dès le IIIe siècle, alors que l’Empire vacille sous les pressions extérieures, l’Armorique profite de son isolement pour retrouver une certaine autonomie. C’est aussi à cette époque que naissent les premières communautés chrétiennes, annonçant une nouvelle ère culturelle et religieuse.
Quand Rome s’effondre au Ve siècle, l’Armorique ne connaît pas la rupture brutale vécue ailleurs. Elle glisse progressivement vers une nouvelle configuration politique, façonnée par l’arrivée des Bretons insulaires et la formation de petites principautés locales.
Ainsi, si l’héritage romain reste visible en Bretagne, il ne définit pas son identité. La Bretagne médiévale naîtra davantage du mélange entre traditions celtiques persistantes, influences chrétiennes émergentes et vestiges d’une romanisation incomplète.
III. Nominoë et l’Affirmation de l’Autonomie Bretonne
À la fin de l’Antiquité, la Bretagne n’est ni unifiée ni véritablement indépendante. C’est une mosaïque de petits royaumes hérités des traditions celtiques et des migrations britanniques : Cornouaille, Léon, Domnonée, Vannetais, oscillant entre alliances locales et rivalités.
Au IXe siècle, la menace vient du renouveau carolingien. Les Francs, maîtres d’une grande partie de l’Europe de l’Ouest, veulent imposer leur autorité sur cette péninsule récalcitrante.
C’est dans ce contexte que surgit Nominoë. Originaire du Vannetais, d’abord représentant impérial nommé par Louis le Pieux vers 826, il devient peu à peu le rassembleur des forces bretonnes.
Sans jamais porter officiellement le titre de duc, Nominoë s’impose comme l’artisan de l’autonomie bretonne. Il rejette l’ingérence carolingienne, unit les chefs locaux, organise la défense du territoire et affirme une volonté politique commune face aux Francs.

À la fin de l’Antiquité, la Bretagne n’est ni unifiée ni véritablement indépendante. C’est une mosaïque de petits royaumes hérités des traditions celtiques et des migrations britanniques : Cornouaille, Léon, Domnonée, Vannetais, oscillant entre alliances locales et rivalités.
Au IXe siècle, la menace vient du renouveau carolingien. Les Francs, maîtres d’une grande partie de l’Europe de l’Ouest, veulent imposer leur autorité sur cette péninsule récalcitrante.
C’est dans ce contexte que surgit Nominoë. Originaire du Vannetais, d’abord représentant impérial nommé par Louis le Pieux vers 826, il devient peu à peu le rassembleur des forces bretonnes.
Sans jamais porter officiellement le titre de duc, Nominoë s’impose comme l’artisan de l’autonomie bretonne. Il rejette l’ingérence carolingienne, unit les chefs locaux, organise la défense du territoire et affirme une volonté politique commune face aux Francs.
Aux Origines d’une Liberté Bretonne
L’histoire de la Bretagne, de ses racines néolithiques à l’affirmation de son autonomie au IXe siècle, est celle d’un carrefour — entre cultures celtiques et chrétiennes, entre influences continentales et horizons atlantiques.
Si des chefs de guerre comme Nominoë ont été essentiels dans la défense de cette indépendance, il faut aussi souligner l’influence discrète mais profonde des monastères, des saints bretons et de la foi celtique qui ont structuré les communautés bien avant la naissance d’un duché.
Tournée vers la mer autant que vers ses landes et forêts, la Bretagne ne fut jamais une terre fermée. Elle a bâti son identité sur un équilibre entre résistance et échanges, tradition et adaptation.
En 851, ce n’est pas seulement une victoire militaire : c’est la confirmation d’un modèle breton singulier, enraciné et ouvert au monde. Les siècles suivants verront cette autonomie se consolider, se défendre, parfois vaciller face aux ambitions changeantes des grandes dynasties européennes.
Dans notre prochain article, nous explorerons l’essor du duché de Bretagne, ses figures emblématiques et les tensions qui mèneront, des siècles plus tard, à l’union avec la couronne de France.
Le duché se dessine au loin — il suffit de savoir regarder.